A Piriac, quand La Pipe devient "le tombeau d’Almanzor"

Ce rocher, dans la tradition populaire du 14e au 18e Siècle, était appelé «  la pipe »  de part sa forme, semblable  au fût  utilisé  dans le grand commerce, pour les transports lointains.. La pipe était une mesure vinaire équivalente à plus de 380 litres. En usage dans le pays guérandais depuis le 14e siècle, la pipe était utilisée pour le transport du vin, de l’eau et du pain conservés lors des voyages maritimes et encore pour entreposer du sel.

Ainsi on a relevé dans les titres des seigneurs de Campzillon la fonction la plus courante : « Item le d(ict) seigneur a droit d’avoir de ch(a)c une pippe de chergee au d(ictz) portz et riuages de la mer en la d(icte) p(ar)oesse Peheriac et ailleurs en ces d(icts) fiefs….

Ecoutons quelques historiens du 19e siécle :

ATHENAS 1825 :« Le nom du tombeau d’Almanzor est romantique, il en usage parmi les gens qui tiennent un rang dans la société ; mais les paysans et les pêcheurs de la côte qui ne lisent point de romans, lui ont conservé son ancien nom celtique : Ils le nomment ma Pip ».

Et Auguste Lorieux précise en 1828, que « cette appellation remonte au mieux à la seconde moitié du 18e siècle.

En 1770 on l’appelait tout simplement «  la pipe » .

En 1841-42 l’archiviste de Nantes J.B. Chevas et S.J. Verger nous disent : "… le nom d’Almanzor est le fruit de l’imagination d’un mystificateur du pays qui fatigué d’entendre les étrangers lui demander : Qu’y-a-t-il de curieux dans votre commune ?, indiqua le rocher comme le tombeau d’un chevalier espagnol qui, après beaucoup de vicissitudes était venu faire naufrage contre ce rocher et y avait été enseveli. Tout le monde a répété que c’était le rocher d’Almanzor… Les marins et les habitants de la côte appellent ce rocher la Pib ou la pipe. Nous ne comprenons pas bien ce nom si on veut lui trouver quelque rapport avec une pipe dont il n’a pas la forme".

Un autel druidique ?

Edouard Richer, En 1823, écrit dans «  voyage pittoresque dans le département de la Loire-inférieure »  que certains érudits assimilent ce rocher à un autel  druidique dont il aurait la forme. Il fait allusion à Morlent qui écrivit en  1819 : «  Si nous en croyons  les antiquaires (spécialistes de l’antiquité) les monuments de ce genre évidemment druidiques, ainsi le tombeau d’Almansor est un autel druidique où les ministres de Teutatès égorgeaient des hommes, des chevaux, des chiens. Les bassins creusés au nombre de dix, qui occupent le plan supérieur, répondent à une rigole qui descend jusqu’au pied de l’autel ; ils servaient à recueillir le sang des victimes qui coulait à la vue du peuple assemblé… »

Quant à la légende :

Elle est née d’une poésie de Lorieux : Iseul et Almanzor », ou la grotte à Madame », inspirée, selon son auteur, d’une histoire qui lui fut racontée. L’appelation de LA GROTTE A MADAME semble dater de 1819, sous la plume de Morlent...

De nos jours, on raconte que Dame Iseult, épouse du seigneur Almanzor, venait chaque jour s’abriter dans la grotte pour y scruter l’horizon espérant le retour de son époux. Il revint de croisade après une longue absence mais une violente tempête fit sombrer son vaisseau. Son corps  fut rejeté au pieds de ce rocher qui devint son tombeau.

Ce rocher est percé de nombreuses cupules ( petites coupes en creux) et rigoles  imitant le drapé d’un drap mortuaire sur un tombeau. Plus loin sur la côte se dressaient deux rochers en forme de dents, «  les dents de Madame ».

Al-Manzor, nom romanesque, est inspiré de l’arabe  Al-Mansour, c'est-à-dire l'Invincible ou le Victorieux. Ce nom a été porté par plusieurs personnages musulmans. Un personnage d’un opéra de Jouy joué à Paris en 1813, porte également ce nom.

Armand Sourd :Autre hypothèse le nom viendrait d’un prénom masculin Armand et du  patronyme Sor, peut-etre déformation du nom Sourd, personnage qui aurait pu fréquenter  les lieux. Le nom de famille Le Sourd est attesté au 18e siècle à Piriac. Un Charles Le Sourd était tailleur de pierre. Et la venelle du Sourd , dans tout ça ?? Rien à voir ?

Une dernière hypothèse qui semble bien fantaisiste : le tombeau de l’hareng saur sur lequel des ouvriers avaient l’habitude, à marée basse, de prendre leur repas sur le rocher et le hareng faisant partie de leur ordinaire. ( A.Monnier « Etudes et souvenirs, le Pouliguen et ses environs »).

                           Source : d’après Gildas Buron – revue Pen Kiriak n° 41 – 1988 - et avec la collaboration de Michel Garnier

Comments

[XXX]

Ce rocher granitique subit une érosion est particulière par rapport à ceux de la presqu'ile et les trous qui l'entourent, ressemblant à des trous de forage de carrière, me font poser la question que ce récif accessible composé d'un très bon et beau granite ait pu être une carrière facile et gratuite pour les maisons et édifices religieux des habitants de Piriac comme cela s'est pratiqué au Croisic???

[Jean]

Bonjour et merci pour ce site... Nous avions justement une discussion enflammée le week-end dernier à propos de l'origine de ce nom, au cours d'un repas familial. Je vais pouvoir rétablir la vérité à ce sujet grâce à vous. Le vrai nom de ce rocher est bien La Pipe.
Toutes mes amitiés