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Des Noms et des Hommes
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9 février 2010

Pénestin

Depuis le 19e siècle, les érudits locaux ont reconnu dans le nom Pénestin un composé du breton penn, tête, bout, extrémité, et de staen, étain. C'est une hypothèse qui est  également admise par Bernard Tanguy (Les noms de lieux bretons, Studi n° 3, 1975, p. 60). Surtout, cette hypothèse fondée sur la géologie est accréditée par les observations et prospections récentes des géologues faites sur le littoral (cf. Louis Chauris, « Les anciennes extractions d'étain à Piriac et à Pénestin », Bulletin de l'Association bretonne, 131e congrès : Le Croisic - Guérande - La Baule, tome 113, 2004, p. 380 : « A Ambon [où existe un palud stean, un marais de l'étain], la toponymie s'enracine dans la minéralogie »).

Nous n'ignorons pas que le patrimoine des communes du Morbihan, Editions Flohic (Collection : « Le patrimoine des communes de France ») 1996, tome 2, p. 1019, propose :
1° - D'abandonner l'interprétation faisant référence au trafic de l'étain dans l'Antiquité au motif que la formation bretonne est médiévale.
2° - De reconnaître dans Pénestin le nom d'homme vieux-breton Yestin (moderne Gestin).

mini_penestin_1La remise en cause de l'explication par le nom de l'étain apparaîtrait dans la thèse d'Erwan Vallerie (Traité de toponymie historique de la Bretagne, 1995, tome, p. 237-238) qui écrit : « il est difficile de voir [dans Pénestin] l'élément staen ; c'est toujours -stin que l'on constate dans les formes anciennes de ce nom qui paraît plutôt provenir de *Penn-Yestin ». Les formes anciennes recensées par cet auteur remontent à 1557 et 1565. Elles prolongent celle de Penestin que Gildas Buron relève sitôt en 1412 puis en 1463.

Il n'y a donc aucun argument recevable et surtout pas scientifique pour écarter la première explication. Il y a juste à justifier la forme par -stin au lieu de celles par -staen, -sten… attendues par les celtisants.

En effet, l'argument développé d'Erwan Vallerie ne convainc pas. Pour Gildas Buron, le second élément en composition dans Pénestin est identique à celui qui se rencontre dans le nom du Lestin en Camoël dont la trace est relevée par le nom de « l'estang de lestin » mentionné en 1474. Le cadastre de la même commune de Camoël enregistre un Clos Stène ou Clos Stain qui contient assurément le breton staen. Du coup, il est clair que deux formes sont en jeu : staen / *estin. Ce n'est pas le seul cas observé dans le domaine entre les estuaires de la Loire et de la Vilaine et d'une façon dans les dialectes du sud-est. Nous pensons ici à ester à côté de ster avéré par le nom Porester en Piriac. 

mini_penestin_2Le breton staen ainsi que le gallois ystaen sont empruntés au latin stagnum, pour stannum également à l'origine du français étain, noté estain en 1220,  estaim, astain en 1337 et astin en 1365 à Tours. Il donc est tout à fait possible qu'une forme *estin ait été en vigueur dans les parlers romans de l'Ouest. Son passage en breton expliquerait le nom de Pénestin mais aussi du Lestin en Camoël (pour l'Estin par agglutination de l'article élidé, phénomène trop courant dans les parlers populaires pour s'y attarder).

Dans Pénestin, on peut fort bien avoir à faire à une formation comparable à Penchâteau, ancien village de la commune du Pouliguen dont le nom est un doublet du breton Penhastell, Penhachtell en usage dans le dialecte breton parlé à Batz. Le "château" à l'origine de cette dernière appellation est motivée par l'existence d'un éperon barré occupé du Néolithique à la fin de l'Âge du Fer. Ce retranchement a été assimilé à un château par les hommes du Moyen Âge impressionné par les reliefs du site. A la connaissance de Gildas Buron, aucune forme en breton parlé du toponyme Pénestin n'a été recueilli dans le Morbihan (ou ailleurs) et n'est à verser au dossier étymologique. Et c'est bien regrettable car elle pourrait être éclairante.

En tout cas, nous n’avons pas en tête d'exemple de toponyme en penn- composé avec un nom d'homme ou un nom de baptême passé dans la toponymie. Pénestin serait un cas à part. Mais jusqu'à plus ample informé, la spécificité de la commune est géologique. Aussi, il n'aurait rien de surprenant à ce que les hommes du Moyen Âge, très en prise avec leur environnement et qui ont prospecté les ressources du territoire, aient relevé cette particularité d'un grand intérêt pour la fabrication des ustensiles de ménage. Dans ce contexte, il  semble difficile de revenir sur l'hypothèse penn, tête, bout, extrémité, et de staen, ou mieux *estin, étain, assise sur tant de faits convergents.

Nous tenons tout particulièrement à remercier Gildas Buron pour l’écriture de cet article.

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Commentaires
M
Concernant Pénestin et Piriac, beaucoup de personnes se sontpenchés, à juste titre, sur le déterminant de Penn. Par contre, je me permets de rappeler l'importance essentielle du déterminé en toponymie (ici, Penn justement).<br /> Ce mot dont les significations sont, comme chacun le sait, tête, bout, extrémité... a, rapporté à la toponymie etaux reliefs de terrain les acceptions de sommet, de pointe voire de bout de terre dite parcelle.<br /> Après avoir vérifié la véritable signification de "penn" pour Pénestin etPiriacilseraplus facilemesemble-t-il d'avancer sur leurdeuxième composant
G
Il est difficilement envisageable que le prénom Augustin puisse devenir Estin en breton. Auguste se dit Gust, Gustig et Gustaw en gallo. Il existe un hypocoristique Sten en breton, mais qui vient de Goustan.
F
Bonjour et bravo pour cette initiative sur les toponymes. J'ai lu il ya quelques temps à propos de l'étymologie de Pénestin, que la terminaison -estin pouvait venir du prénom Augustin. Mais vu votre article je pense que l'auteur faisait fausse route. <br /> Bonne continuation et continuez à nous faire réfléchir à l'histoire de la presqu'île.<br /> Francis, de La Baule.
D
Le nom de Pénestin apparaît bien comme un composé du breton penn, bout, extrémité, et staen, étain. La forme -estin note la francisation du mot breton à l'époque médiévale. Viennent corroborer cette hypothèse, les nombreux mots français issus de mots latins en s- devenus es- dans un premier temps, puis é- à partir du XVIIe siècle : exemple, le latin schola évolue à escole (XIe siècle) et au moderne école dès 1636. Nous aurions ainsi la même évolution : staen a pu donné "stin" par nasalisation en évolution romane, puis estin que l'on prononce [etin].
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